endless

A vrai dire, il ne savait pas. Pourquoi ce cheval et pas un autre ? Endless ne ressemblait en rien aux chevaux qu’il avait côtoyés alors qu’il travaillait à l’élevage. Ce n’était pas le genre de cheval auquel il était habitué, aussi bien dans le physique que dans le mental. Alec attrapa le licol en cuir posé sur la porte du box et l’inspecta un instant. Une petite plaque argentée ornait l’objet où dessus était inscrit le nom de l’académie. Le jeune homme émit un sourire en coin, amusé ; décidément, ça n’avait rien à voir avec sa vie antérieure. Adieu les prés marécageux et les vieux licols usés, bonjour les boxes lustrés et les cuirs neufs.

Doucement, il se glissa dans le box en annonçant sa présence d’un claquement de langue. Impassible, le bai ouvrit un œil, dérangé dans sa sieste. Il ne semblait pas bien méchant. Assuré, Alec s’approcha de lui. Il lui flatta l’encolure et lui enfila son licol sans plus attendre. Le cheval se laissa faire et suivit son nouveau cavalier à l’extérieur du box. Enchanté de sortir, les oreilles d’Endless pointèrent vers l’avant et lança un timide hennissement en apercevant quelques compères équins. Alec noua la longe autour d’un anneau et ayant déjà apporté les affaires de pansage, se mit au travail. Machinalement, il attrapa l’étrille et frictionna le corps du bai avec. Peu agité, Endless bougeait peu, se contentant d’observer d’un œil distrait ce que faisait le garçon. Ce dernier continua et même si la robe du mâle était déjà d’une propreté remarquable, il ne s’arrêta pas là. Il troqua l’étrille contre un bouchon et d’un coup de main expert,  fit voler les derniers poils morts. Il s’appliqua un peu plus longtemps sur les membres et une fois le dernier coup de brosse passé, se releva et flatta l’encolure du cheval. Celui-ci l’observa de ses grands yeux d’ébène. D’un air curieux, son nez s’approcha de la veste du garçon. Alec savait bien ce qu’il cherchait et devina facilement que son nouveau compagnon était gourmand. Sa main fouilla quelques secondes dans sa poche avant de sortir un quartier de pomme, préparé spécialement pour l’occasion. Le mâle n’attendit pas longtemps avant d’engloutir ce qui lui était destiné. Ses prunelles s’illuminèrent, et Endless revint à la charge en quête d’autres friandises. Alec le repoussa gentiment ; il ne fallait pas abuser de bonnes choses, et surtout lui donner de mauvaises habitudes.

Il s’équipa d’un cure-pied et finit le travail qu’il avait commencé. Il constata avec satisfaction qu’Endless ne rechignait pas à donner ses pieds. C’était une bonne chose, il n’aurait pas à batailler avec le cheval sur ce point-là. Alec jeta un coup d’œil autour de lui et se souvint du chemin à prendre pour aller à la sellerie. Il n’avait pas spécialement envie de monter aujourd’hui, mais il fallait tout de même sortir le mâle pour le laisser se dégourdir. Longer se présenta alors comme l’idée du siècle, et tout en indiquant au cheval qu’il serait vite de retour, il s’élança vers la sellerie d’un pas preste. L’odeur du cuir neuf embaumait la salle, et les selles semblaient briller à la lumière. Alec haussa les sourcils, plutôt stupéfait. Il chercha le nom de sa monture sur les portes brides et trouva le filet du grand bai sans grosse difficulté. Il attrapa une grande longe et retourna auprès d’Endless. Ce dernier l’attendait, son regard trahissant une certaine interrogation. Qu’est-ce que tu veux de moi ? semblait-il demander. Alec détacha le licol, le noua autour de l’encolure du mâle, et lui présenta le mors. De bonne consistance, Endless ne rechigna pas le bout de fer. Le jeune homme put ensuite attacher les dernières parties du filet et félicita le grand cheval de quelques caresses. Loin d’être rétif au pansage, le bai était bien élevé. Sa présence était même agréable. Plutôt discret, il ne passait pas son temps à piaffer d’impatience. Alec se félicita intérieurement, content de son choix. A vrai dire, il l’avait choisi au premier coup d’œil, sans vraiment se renseigner sur sa personnalité. C’était sa large liste et sa robe oscillant entre le noir et le bai qui lui avaient tapé dans l’œil. Le reste viendrait après, et au pire, Alec essaierait. Les défis lui plaisaient.
La longue longe attachée et le licol enlevé, le jeune couple se dirigea vers l’extérieur des écuries. Ils iriaient se réfugier à l’abri des regards dans le rond de longe couvert.